AUTEUR DE L’ARTICLE
Docteur vétérinaire Patrick LECOINDRE – Dip. ECVIM-CA. Unité de médecine interne
Les obstructions des voies biliaires extrahépatiques (OVBEH) sont plus fréquentes chez le chat en raison de la prévalence plus importante dans cette espèce des atteintes inflammatoires du tractus biliaire.
Sommaire
Étiopathogénie
Les obstructions des voies biliaires extrahépatiques sont classées en extraluminales, intraluminales, intramurales ou duodénale.
Les deux principales causes d’obstructions extraluminales sont les pancréatites (chronique fibrosante ou aiguë) (42 %) et moins fréquemment, les tumeurs du pancréas ou du duodénum proximal (15 %), du foie ou des nœuds lymphatiques. L’inflammation et l’œdème du pancréas lors de pancréatite aiguë, la stéatite périphérique sont suffisantes pour entraîner une compression de la partie basse cholédocienne.
Les obstructions intraluminales peuvent être secondaires à une bile épaissie (mucocèle biliaire, cholangite, infection biliaire), une lithiase, des caillots. L’engagement d’un cholélithe dans la voie biliaire principale est une cause non négligeable d’OVBEH.
Les causes d’obstruction intra-murale sont les tumeurs mais sont rares chez le chien et le chat et les sténoses. L’extension d’une inflammation liée à une pancréatite chronique, une duodénite ou une cholécystite peut entraîner de manière plus ou moins transitoire une obstruction intra-murale du cholédoque ou du sphincter d’Oddi.
Chez le chien, les causes les plus communes d’obstructions des voies biliaires extrahépatiques sont la pancréatite et les tumeurs pancréatiques et duodénales. Chez le chat, les tumeurs pancréatiques ou des voies biliaires et les maladies inflammatoires chroniques (pancréatite, cholangite, cholelithiase, infection des voies biliaires) représentent les principales causes d’OVBEH.
Clinique
Les signes cliniques sont l’ictère (73 %-100 %), l’anorexie (55 %-95 %), les vomissements (53 %-55 %), la léthargie (49 %-82 %) et la perte de poids (22 %-82 %).
Les signes cliniques sont souvent liés à l’affection sous-jacente responsable de l’obstruction (pancréatite).
L’obstruction peut être brutale et rapidement totale lors de pancréatite aiguë ou du passage d’un cholélithe dans la voie biliaire principale. Mais dans une majorité des cas d’OVBEH, l’obstruction est progressive chronique et plutôt bien tolérée par l’animal. La clinique est alors beaucoup moins expressive et c’est l’apparition d’un ictère qui est le principal motif de consultation.
Diagnostic
Biologie
Une OVBEH est responsable d’une hyperbilirubinémie qui peut être très élevée (>100mg/l) et d’une augmentation de l’activité des enzymes de la cholestase (ALP, GGT) ainsi que des acides biliaires. Une augmentation de l’activité des ALAT témoigne d’une souffrance hépatocytaire due à l’accumulation d’acides biliaires toxiques. Une hypercholestérolémie est fréquente particulièrement chez le chien. Les pancréatites étant une des premières causes d’OVBEH, un dosage de la spec CPL ou fPl est indiqué.
Echographie
L’examen échographique est incontournable pour confirmer et diagnostiquer une OVBEH avant même l’apparition d’un ictère.
Les signes échographiques d’une OVBEH sont :
- une dilatation des conduits biliaires intrahépatiques
- une dilatation de la voie biliaire principale (97% des cas d’OVBEH chez le chat) et une visualisation d’un canal choledoque > 5 mm (diamêtre normal du cholédoque chez un chien <3mm, chez un chat <2 à 2,5mm). Néanmoins, la présence d’une dilatation des voies biliaires n’est pas forcément synonyme d’OVBEH, puisqu’elle peut être visible lors de lésion purement inflammatoire ou, sous forme séquellaire, plusieurs mois après la levée de l’obstruction.
- La dilatation de la vésicule biliaire est inconstante (43% des chats à OVBEH).
Une dilatation des conduits cholédoque, cystique et de la vésicule biliaire peut être visible à l’échographie dans les 48 à 72 h qui suivent une obstruction complète du conduit cholédoque. La dilatation des canalicules biliaires intrahépatiques est plus tardive : elle ne survient que dans les 5 à 7 jours qui suivent l’obstruction. Un examen normal ne permet donc pas d’exclure une obstruction récente ou incomplète et doit être renouvelé dans les 3 jours si on suspecte une obstruction cholédocienne.
Lorsqu’une masse est visualisée, il n’est pas possible de distinguer échographiquement une inflammation d’une tumeur.
Enfin si l’examen échographique n’est pas concluant, un examen scanner ou une scintigraphie (si disponible) sont préconisés.
L’histologie est souvent la seule technique permettant de diagnostiquer une cholangite chronique à l’origine d’une OVBEH.
Une obstruction biliaire chronique peut entraîner une hyperplasie de l’épithélium biliaire, une prolifération ductulaire, une fibrose périportale, une inflammation neutrophilique et une nécrose à divers stades.
Traitement
Le traitement des OVBEH passe d’abord par le traitement de la cause. C’est le cas en particulier des pancréatites aiguës qu’il faudra traiter en priorité médicalement. Toutefois si le contrôle régulier de la bilirubinémie montre une évolution défavorable et que les examens d’imagerie confirment une dilatation des voies biliaires extrahépatiques, une intervention peut être envisagée pour diminuer la pression dans les voies biliaires.
De nombreux cas d’OVBEH sont la conséquence d’une obstruction intracanalaire qui nécessite une intervention chirurgicale. Celle-ci a pour objectif de restaurer le flux biliaire en levant l’obstacle (flushing des voies bilaires, extraction des calculs ou des bouchons biliaires ou en réalisant une dérivation biliaire lorsque le canal cholédoque n’est plus fonctionnel (fibrose, tumeur). La pose d’endoprothèses biliaires lors de sténose cholédocienne basse consécutive le plus souvent à une fibrose pariétale d’origine inflammatoire surtout observée chez le chat à pancréatite chronique doit s’associer à une sphinctérotomie et éventuellement à une dissection du canal cholédoque pour le dégager de tissu fibreux cicatriciel qui l’entoure.
Les OVBEH chroniques peuvent être responsables de troubles de l’hémostase par carence en vitamine K1. Une supplémentation est préconisée avant tout acte chirurgical.
Pronostic
Le pronostic d’une OVBEH est directement lié à la cause de l’obstruction. La pose d’un stent dans le canal cholédoque est une des techniques chirurgicales conseillées lors d’une OVBEH associée à une pancréatite, tant chez le chien que chez le chat. Les techniques de dérivation biliaire ne doivent être envisagées que dans les cas oû il existe une perte d’intégrité de la voie biliaire principale et que la pose d’un stent n’est pas possible.
Figure 1 : Obstruction des voies biliaires extrahépatiques suite à une pancréatite nécrotique aigue observée chez un caniche de 7 ans qui présentait depuis 3 jours des vomissements aigus, un abattement sévère et un ictère
Figure 2 : OVBEH observée chez un chat Birman de 4 ans qui présentait depuis un mois des épisodes d’hyperthermie associé à une élévation des GGT et des ALT. Apparition d’un ictère depuis 2 semaines. L’examen confirme une dilatation importante de la vésicule biliaire et des voies biliaires extrahépatiques.
Figure 3 : OVBEH observée chez un chat Birman de 4 ans qui présentait depuis un mois des épisodes d’hyperthermie associé à une élévation des GGT et des ALT. Apparition d’un ictère depuis 2 semaines. On observe un épaississement important pariétal des voies biliaires et un remaniement important de la papille duodénale.
Figure 4 : OVBEH observée chez un chat Birman de 4 ans qui présentait depuis un mois des épisodes d’hyperthermie associé à une élévation des GGT et des ALT. Apparition d’un ictère depuis 2 semaines. L’exploration chirurgicale confirme une dilatation très importante des voies biliaires et un épaississement anormal de la papille duodénale qui apparaît sténosée. Une sphinctérotomie de la papille a été réalisée. Un stent biliaire a été posé et a permis de restaurer le flux biliaire. Une cholécystectomie a complété le geste chirurgical en raison de l’infection importante.
Figure 5 : Exploration d’un ictère chronique chez un chien de race commune Echographie L’examen confirme une dilatation très importante des voies biliaires extrahépatiques en amont d’une zone d’artéfact intraluminale compatible avec la présence d’une lithiase intracanalaire.