AUTEUR DE L’ARTICLE
ASV Léonie MAGAT – Unité de cardiologie

Résumé

La mesure de la pression artérielle systémique peut être effectuée par l’ASV sous la responsabilité du vétérinaire mais cet acte n’est pas aussi anodin qu’il n’y paraît. L’opérateur ainsi que d’autres facteurs extérieurs peuvent influencer cette mesure. Une rigueur et une standardisation de l’obtention de ce paramètre sont indispensables pour la réaliser correctement et obtenir une valeur interprétable.

Introduction

La pression artérielle systémique peut être mesurée par divers méthodes, les deux techniques les plus couramment utilisées reposent sur l’emploi d’un appareil Doppler ou d’un appareil oscillométrique. Ces méthodes sont qualifiées de « non invasives », s’opposant à la technique de référence nécessitant l’emploi de cathéters intra vasculaires. Cette dernière étant qualifiée d’ « invasive », elle n’est pas utilisée en pratique clinique courante.
Une élévation de la pression artérielle systémique est qualifiée d’hypertension artérielle. Celle-ci peut s’accompagner d’effets délétères sur différents organes cibles tels que le cerveau, le cœur, les yeux et le système nerveux, et nécessite donc d’être identifiée le plus rapidement possible (voir Figure 1).


Figure 1: représentation des organes cibles atteints lors d’une hypertension artérielle

De même, une diminution de la pression artérielle (hypotension artérielle) peut se traduire par une apathie, une faiblesse du pouls artériel périphérique, et une pâleur des muqueuses, nécessitant la mise en place d’un traitement dans les cas sévères.
Dans cet article, la mesure de la pression artérielle par méthode Doppler sera abordée dans ses détails, étant la technique plus communément employée dans notre structure.

Définition de la pression artérielle systémique

La pression artérielle systémique correspond à la pression hydrostatique exercée par le sang sur les parois vasculaires. En d’autres termes il s’agit de la pression qui règne au sein des artères.

Elle est directement dépendante de la quantité de sang éjectée par les ventricules (débit cardiaque) ainsi que des résistances périphériques exercées par les vaisseaux sanguins.

Valeurs de référence et facteurs influençant la pression artérielle systémique

Quelle que soit la méthode qui nous permet de l’obtenir, la mesure de la pression artérielle doit comprendre dans l’idéal les paramètres suivants :

  • La pression artérielle systolique PAS
  • La pression artérielle diastolique PAD
  • La pression artérielle moyenne PAM

Dans les publications, il est fréquent de trouver comme limites maximales des normes de la pression artérielle systémique 160 mmHg pour la PAS et 95 mmHg pour la PAD. Le dernier consensus publié décrit néanmoins qu’un faible risque d’atteinte des organes cibles était présent à partir de 140 à 159 mmHg de PAS.1
Par ailleurs, une valeur de PAS comprise entre 160 et 179mmHg représente un risque modéré d’altérations secondaires pour les organes cibles, et ce risque est majoré au-delà de 180 mmHg. Il est décrit que des valeurs inférieures à 120 mmHg de PAS associées à des signes cliniques, sont en faveur d’une hypotension artérielle.

Il existe une certaine variabilité dans les mesures, et les valeurs de la pression artérielle systémique changent en permanence. Il ne faut jamais considérer une mesure isolée comme une valeur absolue. Il est essentiel de garder à l’esprit que la pression artérielle est un paramètre variable qui peut être modifié par divers facteurs tels que :

  • L’état de l’animal (s’il est conscient ou sous anesthésie)
  • L’état de stress de l’animal
  • L’état de santé de l’animal
  • La position de l’animal
  • La taille du brassard utilisé
    Le site de mesure choisi
  • L’environnement dans lequel l’animal se trouve
  • L’opérateur

Méthode de mesure de la pression artérielle systémique

  1. Appareil Doppler

En pratique :

  • Bien choisir la bonne taille de brassard : le brassard doit avoir une largeur approximativement égale à 30%-40% de la circonférence du membre. Pour simplifier, on peut aussi dire que la hauteur du brassard (flèche rouge) doit être légèrement plus petite que la largeur du membre (flèche orange) de l’animal (voir Figure 2) à l’endroit où sera mis le brassard.
    A noter : un brassard trop petit surévalue la valeur de la pression artérielle alors qu’un brassard trop grand la sous-évalue.

       
        Figure 2

  • Raccorder ensuite le brassard au manomètre
  • Faire un premier test en gonflant le brassard à l’aide du manomètre pour le vérifier puis dégonfler complètement (attention aux fuites)
  • Placer le brassard en amont du site de mesure
  • Tondre l’endroit où sera placée la sonde Doppler
  • Mettre de l’alcool sur la peau et du gel échographique sur le capteur Doppler
  • Dans l’idéal il est recommandé d’aligner le membre à hauteur du cœur (voir photos ci-dessous)

Si l’animal le supporte, il peut être en position assis avec la patte avant surélevée en alignement avec le cœur ainsi que le coude non fléchi. S’il ne le supporte pas, il est recommandé de laisser la patte au sol afin de ne pas fausser les valeurs avec des mouvements indésirables.

2. Appareil Oscillométrique

La mesure de la pression artérielle avec un appareil oscillométrique repose sur la mise en place d’un brassard gonflable qui est rempli d’air jusqu’à une pression prédéterminée, celle-ci étant réduite graduellement. L’appareil détecte le flux de sang par les vibrations qui se produisent dans les vaisseaux sanguins lorsqu’ils sont comprimés par le brassard. Après avoir localisé l’endroit où placer le brassard et posé ce dernier, l’appareil est mis en marche. Le brassard sera gonflé jusqu’à obturation de l’artère, puis dégonflé progressivement jusqu’à détection du pouls.

Il est recommandé de prendre une série de mesures espacées d’une minute avec au moins cinq mesures. Il est conseillé de recommencer la procédure jusqu’à obtenir une série de cinq mesures concordantes. Après avoir obtenu ces valeurs, il faut éliminer les deux extrêmes (la plus haute et la plus basse) puis calculer la moyenne des trois mesures sélectionnées pour obtenir les valeurs finales de la PAS, de la PAD, et de la PAM.

De plus, il est recommandé de contrôler la fréquence du pouls et/ou la fréquence cardiaque via un électrocardiogramme pour vérifier que les mesures sont concordantes. Seuls les appareils oscillométriques automatiques le font de manière autonome. Ce dispositif est plutôt facile à utiliser, robuste et confortable pour un animal vigile ou non. Les deux principaux inconvénients de ce produit restent son coût élevé ainsi que des valeurs incertaines sur des animaux pesant moins de sept à huit kilos.

Points anatomiques : où mesurer la pression artérielle systémique ?

Voici les différents sites pour obtenir une pression artérielle :

1. En bas du métacarpe (juste au-dessus du grand coussinet)

2. Sur la partie inférieure de la base de la queue

3. En bas du métatarse (juste au
-dessus du grand coussinet)

Il existe différentes localisations possibles pour effectuer une prise de la pression artérielle sur le chien et le chat. Les voici classées par ordre de recommandation:

  • Pour le chien, il est recommandé de privilégier la patte avant, puis la patte arrière et enfin la queue.
  • Concernant le chat, la queue ainsi que la patte avant seront favorisées puis la patte arrière.

Figure 3 : Artères les plus utilisées chez le chien et le chat pour mesurer la pression artérielle.2

Quelques recommandations pour une bonne mesure de la pression artérielle systémique

  • Dans l’idéal, lorsqu’un animal vient pour une mesure de la pression artérielle il est recommandé de ne pas le laisser patienter trop longtemps. Si cela n’est pas envisageable, isoler l’animal au calme dans une pièce avec ou sans son propriétaire afin de limiter le stress environnant.
  • Il est recommandé de laisser l’animal s’habituer au brassard, en le plaçant sur le membre de l’animal sans le raccorder, et de préparer le reste de votre matériel nécessaire pendant ce temps. Cela permettra à l’animal de s’habituer au brassard sans générer un stress supplémentaire.
  • Il est préférable d’utiliser une patte saine pour la mesure de la pression artérielle (sans cathéter, valide).Attention: par exemple chez le chat, lors d’une thromboembolie aortique, la mesure doit s’effectuer sur une patte correctement vascularisée, et donc non paralysée.
  • L’animal doit être le plus confortable possible.
    Par exemple pour le chat : ne le sortez pas de sa caisse ou de sa cage si cela est réalisable, afin qu’il soit le plus serein possible. Adaptez-vous au maximum à votre animal.
  • La valeur de la pression artérielle diminue parfois au fil de la mesure. Cela arrive lorsque l’animal se détend, par exemple. Il est alors nécessaire de continuer plusieurs séries de mesures jusqu’à ce que la valeur se stabilise. Il vaut mieux recommencer votre mesure plus tard si vous n’êtes pas sûr d’une valeur.
  • Enfin, il est très important de faire attention à la pression que l’on exerce sur le capteur de la sonde Doppler. Attention à ne pas trop appuyer sur celui-ci lors de la mesure, cette manipulation obstrue parfois l’artère et s’en résulte une absence de pouls.

Pour effectuer un bon suivi de mesure de la pression artérielle, il est préférable de réaliser les mesures toujours de la même manière, dans les mêmes conditions. C’est-à-dire avec le même brassard, au niveau du même site anatomique avec un animal dans la même position et si possible dans la même salle où la mesure a été effectuée. Il est recommandé de conserver une note indiquant la taille du brassard utilisé, le site où la mesure a été réalisée, la position de l’animal ainsi que la valeur moyenne de la pression artérielle.

Conclusion

Les clés d’une bonne mesure de la pression artérielle reposent sur deux facteurs : la technique de l’opérateur ainsi que l’environnement dans lequel se trouve l’animal.

Nous retiendrons qu’il est essentiel d’effectuer cet acte dans un endroit calme, avec le matériel adéquat. Rappelons enfin qu’il n’y a pas de supériorité démontrée d’un dispositif de mesure par rapport à un autre, aucune de ces techniques n’ayant été validée chez l’animal non sédaté. La mise en place d’un protocole adapté et d’une standardisation de la mesure de ce paramètre sont indispensables, pour la réaliser correctement et obtenir une valeur interprétable.

Références

  1. 1Acierno MJ, Brown S, Coleman AE,et al. ACVIM consensus statement: Guidelines for the identification, evaluation, and management of systemic hypertension in dogs and cats. J Vet Intern Med. 2018 Nov;32(6):1803-1822.
  2. 2Enrique Ynaraja Ramirez, La pression artérielle chez le chien et le chat: guide pratique, Les editions du point vétérinaire, Grupo asis biomedia s.l, 2017